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Il 5 e 12 luglio ad Avignone, nell'ambito della 62° edizione del Festival, presso la Cour d'honneur des Papes ha avuto luogo con l'Inferno la prima rappresentazione di una trilogia di Romeo Castellucci (Societas Raffaelo Sanzio) ispirata alla Commedia dantesca, con un allestimento basato sull'uso di tecnologie sperimentali e con le musiche di Scott Gibbons. Un intervento di Jean-Charles Vegliante.

 

Dante sans paroles!

Jean-Charles Vegliante

Cour d'honneur du Palais des Papes, Avignon 2008. D'abord il se présente, lui-même seul en piste : Romeo Castellucci ! Une véritable campagne de presse l'a précédé (artiste associé, il "fait entrer Dante dans la Cour d'honneur"), et il dit son nom. Puis il va s'habiller en dresseur caparaçonné. Noir. Ensuite des aboiements, chiens, maîtres-chiens, cavalcades. Certes, "caninamente latra", mais c'était au chant VI... On assiste ensuite à une démonstration de dressage canin, d'escalade de monument urbain, de lancer d'un ballon rouge de basket qui deviendra ensuite melon non mangeable (bruits d'infructueuse manducation), de graffiti, de taï-chi, de glissades. Plus tard, des gens se roulent par terre, vêtus de jolies couleurs pastel, agitent leurs bras et ceux des voisins, regardent alternativement leurs deux mains en murmurant (semble-t-il) "Je t'aime" en français. Ensuite, un jeune homme à lunettes bleues tague, bien maladroitement lent, Jean (son nom à lui ?) sur le mur de la cour. Vlan sur les vieilles pierres, symbole du pouvoir (ben oui, c'est dit). D'aucuns donnent d'ailleurs force coups de pied au pied du mur, sans effet notable (ou bien voulaient-ils sortir de l'enfer, INFERNO en lettres grésillantes, néon, tubes cathodiques, mais c'est impossible, voyons), encore et encore. Des couples se forment, se défont. Silence pesant, rares bruitages téléphonés, musique de fond électro (Scott Gibbons). Et il y a, là-bas comme chez nous, quelques drames domestiques, oui. C'est infernal mais consolant (il y a même une crêche pour les nenfants, dans un gros cube vitré) : consolant sauf l'ennui, à couper au couteau, et justement interminablement des figurants s'égorgent les uns les autres. Travail à mi-temps, ma foi... Une trucidée revient au moins trois fois, trucide plus qu'à son tour, porte une culotte verte. Ensuite, des qui se suicident. Puis il y a des accidents de la route, un sol saigneux, un Andy Warhol "découvert en préparant le spectacle" (interview 'Arte' de Romeo Castellucci, sic) et, pardon j'oubliais, un piano à queue injustement incendié. Pourquoi ? n'y aura-t-il personne pour prendre la défense des pianos à queue ? Non, les spectateurs, très nombreux à vrai dire, sont très occupés à faire glisser sur leurs têtes une immense bâche translucide. Il y a seulement dix ans, combien seraient-ils partis, combien auraient sifflé ? - La révolution berlucosyste a bien eu lieu, amen. - Cet Enfer semble satisfait. On perçoit encore : "Ecoute, écoute-moi", un message subliminal peut-être de Romeo Castellucci ! Andy Warhol tente, à répétition (of course) de se suicider à son tour. Mais il est déjà mort, voyons, rien compris. Rien à comprendre. Mais écrans télé, vu ? Des dames journalistes de grands journaux comme "Le Monde" se pâment de spasme esthétique. Une vieille ritale chuchote : "Ucci ucci ucci, sento uggia di castellucci". L'intéressé a dû entendre, "quelque part", "au niveau de" : il se justifie devant un journaliste allemand (qui parle bien l'italien) : "C'était irreprésentable... il fallait une distanciation copernicienne". Oops ! Fallait-il vraiment ? Un Dante sans paroles ! Fort ! Ou comment s'élever "au-dessus des humains, à force de bêtise" (Victor Hugo)... Mais les médias ne parlent que de ça, avant, pendant, en direct (sur 'Arte'), après... Message fort, bien sûr... Purgatoire et Paradis encore à venir ("Une obscurité blanche", id.). Vilar, Vilar, où es-tu ? Où, Ubi sunt "le donne e' cavalier, li affanni e li agi / che ne 'nvogliava amore e cortesia / là dove i cuor son fatti sì malvagi" ?

                                          12-07-08

 

(Mia trad. - Imprimerie Nationale, 1998 : "dames et chevaliers, peines et liesses / dont nous exaltaient amour et courtoisie / là où les coeurs se sont faits si mauvais".)

[16 luglio 2008]

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